Photographies et vidéographies
L’exposition proposée par Judith Baudinet sous le titre L’instant d’après, rassemble deux sortes d’objets : des sténopés et plusieurs installations utilisant la video. Sous cet intitulé un souci fondateur et une exigence se signalent à savoir une réflexion de la vision revenant sur elle-même pour inscrire dans la matière lumineuse une relation au temps. La vision ne peut se réduire à un simple exercice d’enregistrement organique ou mécanique à l’aide d’appareil naturel (œil) ou artificiel (appareil photographique, caméra). Il s’agit dans un nouveau rapport au temps de produire un regard. Ce regard concerne deux régimes distincts de l’invisibilité : dans les sténopés il s’agit du long silence qui habite invisiblement la vie des choses et le vacarme du monde ; dans les installations, c’est ce que la domination du visible nous cache de notre propre dépérissement.
Donner rendez-vous au regard du spectateur nécessite une transformation de l’apparente immédiateté naturelle du visible en une lente déposition des traces de la patience et des vestiges de la mémoire.
Les installations-videos à l’inverse témoignent d’une maîtrise technique qui use de tous les artifices et appareils des technologies les plus récentes. Ce qui rend d’autant plus surprenante la similitude de problématique avec celle déployée dans les sténopés. C’est encore la question du temps, de la patience demandée par la pensée quand elle passe par le regard. Cependant c’est un nouveau régime esthétique qui dans la mise en scène assume un mouvement critique, voire une visée politique parce que ces technologies sont aujourd’hui les alliées de toutes les stratégies de communication et de consommation du visible.
L’exposition L’instant d’après a tous les caractères de la promesse, celle d’une artiste qui promet et qui propose aux spectateurs un monde qui pourrait tenir parole.
Marie-José Mondzain