Certains quartiers parisiens, dont les façades se sont transformées par la nécessité du temps et de l’économie, laissent transparaître la mémoire et l’histoire d’un passé, comme si la nostalgie s’était installée dans leur peau de ciment et de verre. Les immeubles ici, dans le 11ème arrondissement, se rattachent à ce temps où le savoir des métiers créait la vie et l’atmosphère, chère à certains poètes et écrivains, qui ont chanté ces gens, leurs savoir-faire et leurs savoir-vivre. Nous sommes dans le Faubourg Saint Antoine, près de l’hôpital, le quartier du meuble, de l’ébéniste, du tapissier.
C’est ici, 6 cité de l’Ameublement, à côté de Faidherbe Chaligny, que la galerie de Colette Colla, « Univer », s‘est installée. Espace simple, spacieux, faisant face, aux tapissiers et bourreliers dans cette rue détournée, perpendiculaire à la rue de Montreuil. Un lieu où le passant va se hasarder, attiré par sa transparence qui, dès le trottoir, nous invite à franchir la porte sans hésiter. Un lieu ouvert et accueillant, dont l’espace se mesure dans l’étonnement de son architecture dépouillée entourant un patio où le public discute avec passion des œuvres qui s’affichent dans la galerie. Un espace où la lumière maîtrisée enveloppe le spectateur. Car tout y est « presque » naturel, jusqu’à l’éclairage recherché des toiles, qui se détachent comme des objets uniques, suspendus, flottants dans l’espace et le temps, et s’inscrivent dans une scénographie maîtrisée et subtilement construite. Tout est prétexte à la mise en scène. Le jeu dégagé de la maîtresse des lieux nous emporte, sans mot, avec charme et intelligence, discrétion et finesse dans la transparence des toiles. Elle les fait jouer, vivre et vibrer dans cette lumière qu’elle transforme et adapte pour mieux les mettre en exergue, pour qu’une passion s’échappe de nos regards captivés.
« L’univer » est un espace de liberté, où les œuvres s’installent en harmonie avec le lieu. La peinture qui y est montrée répond aux choix d’une passion dictée par l’engagement et la relation. Tous les artistes exposés affichent leurs empreintes et leurs regards du monde. Aucune école s’impose, aucune technique particulière, aucune thématique guide les choix de Colette Colla. C’est avant tout le rapport qui doit s’instaurer entre le peintre et le public qui prévaut aux choix enthousiastes, passionnés et généreux de « l’Univer ». C’est sans doute encore la recherche d’une peinture qui s’inscrit fondamentalement dans le mouvement de l’art contemporain, où derrière les signes et la toile se dévoile une vision et une pensée d’un art engagé.
Les peintres, par moments les sculpteurs et les photographes sont ici chez eux. Certaines œuvres restent accrochées, comme mémoire de l’expo qui leur a été consacrée, dans la seconde partie de cet espace dont des pans de murs leur sont réservés. Car il y a une fidélité nécessaire pour ne pas figer dans l’éphémère le travail de l’artiste mais le confronter le mettre en rapport, le projeter.
Difficile de nous échapper de ce lieu sans prendre le temps de discuter au bar de la galerie ou de flâner dans le patio aux plantes exotiques marquées par la fougère arborescente et luxuriante.
« L’Univer » est un espace de la libre-pensée de voir et se voir, celui d’une liberté essentielle. Un espace unique à Paris.
Benoist Baillergeau
Le 3 mai 2009